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DÉVELOPPER L'ENGAGEMENT

Actualités RH

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23/11/2017

L’engagement, un enjeu majeur

Année après année, le constat est là : l’engagement des collaborateurs fait de plus en plus partie des préoccupations des DRH. Faut-il s’étonner de l’importance accordée à cet enjeu ? Il apparaît de plus en plus évident que l’engagement des collaborateurs dans leur activité conditionne la performance de l’entreprise. Il existe un lien de causalité directe entre ces deux items. L’évidence de cette corrélation relève du bon sens : tout observateur de l’entreprise en sera très vite convaincu. Il n’existe pas de travaux de recherche structurés sur ce lien. Mais de nombreuses études ponctuelles l’ont mis en évidence. Certaines l’ont chiffré : ISR a mesuré le lien entre engagement et marge d’exploitation, Hewitt puis le magazine Fortune son impact sur la valeur de l’action. Pour le DRH, travailler le niveau d’engagement des collaborateurs, c’est donc agir directement sur la performance de l’entreprise.

Cette relation entre engagement et performance s’inscrit dans une dynamique plus large : c’est l’épanouissement du salarié au travail qui rend possible un engagement durable de sa part dans son activité, lui-même source, nous l’avons vu, de performance de l’entreprise.

Cette approche descend en ligne directe du « double projet économique et social » d’Antoine Riboud, alors patron de Danone. Elle est en rupture avec les logiques héritées de notre histoire sociale française : l’économique et le social s’y opposaient frontalement, l’homme étant en premier lieu considéré comme un coût et une contrainte, et non comme un investissement. L’approche adoptée ici permet d’aborder le bien-être au travail non comme un supplément d’âme, mais comme pouvant être à l’origine de la performance. Démarche autrement positive et enthousiasmante que la seule gestion des risques psychosociaux. Ou encore que l’objectif de certains groupes  dans la période récente : éviter les suicides, soit le degré zéro de la gestion des ressources humaines ! Dans notre approche, un niveau élevé d’engagement des salariés est ainsi à la fois la conséquence d’une approche centrée sur l’épanouissement de l’homme et la source de la performance économique.

L’entreprise a une seconde raison de travailler le niveau d’engagement de ses collaborateurs. Même si la crise a mis en sommeil les tensions liées aux évolutions démographiques, attirer et retenir reste un enjeu majeur sur le moyen terme. Certes le papy-boom n’aura sans doute pas les effets annoncés hier. Mais l’arrivée sur le marché de classes d’âge creuses dans les prochaines années générera inévitablement de nouvelles pénuries de compétences. Fidéliser les collaborateurs que l’entreprise ne veut vraiment pas perdre suppose de travailler leur engagement. Quant à l’attractivité de l’employeur pour les populations qu’elle souhaite recruter, elle est de plus en plus basée sur les réalités objectives vécues par ses salariés. Avant tout entretien de recrutement, un jeune diplômé a désormais quasi systématiquement des échanges avec les salariés de l’entreprise concernée, via les réseaux sociaux et autres réseaux. L’entreprise qui veut attirer n’a plus le choix : elle doit générer l’engagement qui fera de ses salariés des ambassadeurs.

Développer l’engagement des salariés est un enjeu d’autant plus important pour les entreprises et leurs DRH que deux phénomènes viennent aujourd’hui se conjuguer :

Le niveau de cet engagement est traditionnellement plus faible en France que dans d’autres pays : les enquêtes mesurant le niveau moyen d’engagement des salariés par pays situent invariablement la France dans le peloton de queue.
Par ailleurs, ce niveau d’engagement est particulièrement faible dans la période actuelle, avec la crise, les inquiétudes qu’elle génère et la distanciation renforcée par rapport à l’entreprise.

La notion d’engagement

Si le terme d’engagement est aujourd’hui largement utilisé par les entreprises, notamment les plus grandes, il côtoie encore de multiples notions dont le contenu est proche mais différent. Selon les environnements et les moments, on parlera notamment de satisfaction, motivation, implication ou investissement au travail :

Satisfaction : le concept de « satisfaction », reflétant une réponse d’ordre purement affectif, est sans doute le moins pertinent sur le plan de son utilité opérationnelle. Un collaborateur peut être satisfait, mais rester spectateur ou consommateur. Alors que l’enjeu dont il est ici question, c’est qu’il soit acteur. Nous avons évoqué l’épanouissement au travail, très proche de la satisfaction, comme facteur favorisant l’engagement. Il s’agit certes d’une condition nécessaire, mais pas suffisante.
Motivation : pendant des décennies, les entreprises comme les chercheurs ont parlé de la « motivation » des salariés. Pour être concret, cette énergie potentielle renvoie à l’envie qu’a la personne de se lever le matin pour aller travailler, de s’investir dans son activité professionnelle et de se dépasser. La notion d’engagement va plus loin, avec la traduction de ces envies en actes. Or c’est bien cette matérialisation qui intéresse l’entreprise. C’est à ce niveau de la réalité des actes que l’engagement peut être constaté et mesuré.
Investissement dans l’activité professionnelle : il ne s’agit pas seulement, ni même d’abord, d’un investissement quantitatif, en heures. Il s’agit  en premier lieu d’un investissement qualitatif : donner le meilleur de soi-même, faire preuve d’intelligence des situations, mobiliser ses capacités.

Pour définir l’engagement plus avant, il est nécessaire de s’arrêter sur les « leviers de l’engagement » que l’entreprise va choisir, consciemment ou pas, et sur lesquels elle investira. Sur quoi va-t-elle s’appuyer pour développer l’engagement de ses collaborateurs ? Avant de détailler ces leviers, notons que nous parlons ici de ce qui est effectivement vécu par les collaborateurs, pas seulement du discours qui peut être développé par l’entreprise sur le sujet.

Les leviers à la disposition de l’entreprise sont très divers :

1. Il peut s’agir du contenu des postes occupés, qui renvoie notamment à l’attachement et à la fierté du métier. Cette dimension, héritage des « corporations » de l’ancien régime, reste présente dans de nombreux secteurs. Si le métier est exercé dans des conditions particulièrement favorables dans une entreprise donnée, il générera de l’engagement.

2. Autre facteur, connecté au précédent mais distinct, celui de l’autonomie laissée au collaborateur dans son activité, des marges de manœuvre dont il dispose, des zones de décision qui sont les siennes. L’enquête menée par Danone auprès de ses collaborateurs montre que cette dimension, particulièrement développée dans ce groupe, est un levier essentiel de l’engagement de ses salariés.

3. La possibilité de développer ses compétences en continu et de grandir dans son domaine d’expertise peut aussi constituer un levier d’engagement. Il ne s’agit là pas seulement du pourcentage de la masse salariale investi en formation, mais plus largement de la dimension apprenante des fonctions exercées. Les cabinets d’audit ont ainsi longtemps été considérés par les jeunes diplômés en finances comme l’environnement idéal pour poursuivre leur formation. Une entreprise comme Décathlon est vécue par ceux qui y travaillent comme l’école des métiers de la distribution spécialisée.

4. Les parcours possibles dans certaines entreprises génèrent chez leurs collaborateurs un engagement sans faille. Le groupe Schlumberger est composé à plus de 70% d’ingénieurs et cadres. Il est perçu par les ingénieurs pétroliers, notamment ceux qui y travaillent, comme l’entreprise du secteur permettant les plus beaux parcours à l’international.

5. D’autres leviers de l’engagement existent. Nous pouvons citer ici les conditions effectives de travail, l’ambiance existant dans le cadre professionnel ou la qualité des pratiques managériales.

6. Qu’en est-il de la rémunération, souvent citée en premier lieu lorsque la question des leviers de l’engagement est posée aux intéressés ? Il ne fait aucun doute qu’elle peut être un puissant facteur de désengagement lorsqu’elle est ressentie par les collaborateurs comme insuffisante ou inéquitable. Il est également fréquent que l’expression d’une insatisfaction sur la rémunération traduise un malaise sur d’autres aspects. Mais toutes les études montrent que la rémunération n’est pas un levier d’engagement : le fait pour un salarié de bénéficier d’une rétribution avantageuse par rapport à la contribution qu’il apporte peut être source de satisfaction, elle ne générera pas pour autant chez lui un engagement supplémentaire.

Les leviers que nous venons de décrire renvoie à « l’engagement au travail », souvent évoqué pour l’opposer à « l’engagement à l’entreprise. » Cet engagement au travail renvoie au vécu quotidien du collaborateur dans son activité. L’engagement est alors généré par les bénéfices escomptés par le salarié dans son activité, que ce soit dans le contenu de cette activité, les relations qu’il y a établies, les compétences qu’il y développe, etc. Cet engagement pourrait être décrit comme calculé par le collaborateur, presque instrumental, dans une logique de « donnant-donnant ».

Autre chose est l’engagement à l’entreprise qui renvoie à la relation d’ordre essentiellement affectif et moral qui peut être nouée entre le collaborateur et son entreprise. Il est associé au « sentiment d’appartenance. » Les entreprises développeront ce type d’engagement à travers la construction et le partage d’un « projet d’entreprise », d’une « vision » de son avenir, d’une explicitation de la mission et des valeurs de l’entreprise. Elles matérialiseront également ces éléments à travers des rites et un vocabulaire spécifiques. Elles développeront en quelque sorte un « patriotisme d’entreprise », qui fédérera les collaborateurs et générera de l’engagement. C’est ainsi que Kiabi, qui s’est donné pour mission de « mobiliser les talents et les passions pour habiller tous les moments de vie » a associé l’ensemble de ses 7500 salariés à la construction de sa Vision, projet de développement sur plusieurs années. Ce type d’engagement renvoie à la notion de Sens. Or nombreux sont ceux qui sont à la recherche de ces éléments de sens dans notre société contemporaine, fort dépourvue dans ce domaine.

Il est aujourd’hui commun d’entendre ou de lire que l’engagement à l’entreprise serait en voie de disparition. Seul l’engagement au travail pourrait être développé. Nous n’allons pas nier ici le contexte réel de distanciation vis-à-vis de l’entreprise. Et pourtant certaines entreprises parviennent à générer un engagement fort de leurs collaborateurs sur la base d’un projet partagé.

Développer l’engagement à l’entreprise suppose une forte adéquation entre sa culture et les valeurs du collaborateur, ainsi qu’avec les grilles à travers lesquelles celui-ci perçoit et analyse la réalité qu’il vit. Cela nécessite également de disposer d’une certaine visibilité sur l’avenir de l’entreprise. Ce que la gestion à très court terme de certaines organisations ne permet pas. A défaut, les actes concrets de l’entreprise apparaitront très vite en contradiction avec le projet, qui perdra toute crédibilité et constituera plutôt un facteur de désengagement.

Plus globalement, les actes concrets de l’entreprise envers ses collaborateurs doivent être cohérents avec les éléments de sens dont elle est porteuse. Les entreprises qui développent le plus fort taux d’engagement de leurs collaborateurs sont celles qui parviennent à articuler ces éléments de sens et leur traduction en actes RH concrets. C’est ainsi par exemple que le fait d’afficher des valeurs ne permet de développer l’engagement que si celles-ci sont déclinées en comportements concrets, voire en situations observables, notamment pour les managers.

Cette description des différents leviers d’engagement montre bien qu’il n’existe pas de modèle unique. Les entreprises peuvent développer l’engagement de leurs salariés selon des voies différentes. Celles qui génèrent un niveau d’engagement élevé et qui sont considérées par leurs collaborateurs comme des employeurs de référence s’appuient de fait sur deux ou trois leviers, pas plus. Elles construisent de fait un nouveau contrat avec leur corps social. Dans ce « deal gagnant-gagnant », elles mettent en place ce qui leur permet d’être vécues comme des employeurs différenciants.

Pour être complet, il nous reste à préciser la notion de désengagement. Est désengagé le collaborateur dont les actes traduisent un désinvestissement dans son activité professionnelle. Ce désengagement peut prendre plusieurs formes :

Il peut générer du laisser-aller chez le collaborateur, qui se contente de faire ses heures : certains parleront d’absentéisme moral ou de sous-travail.
Le salarié peut aussi se limiter à remplir ses obligations formelles et rien d’autre, dans une attitude qui est alors proche de la « grève du zèle. »
Le désengagement peut également conduire à multiplier les retards, à être plus souvent absent ou à mettre en œuvre des attitudes inappropriées vis-à-vis du management, des collègues, des clients.
Il peut enfin amener à quitter l’entreprise, qui voit son turn-over augmenter avec parfois des départs regrettés.

Développer l’engagement

Une approche organisée visant à développer l’engagement doit être structurée en trois volets.

Premier volet : il s’agit tout d’abord de s’appuyer sur une appréciation objective du niveau d’engagement effectif des collaborateurs. Tout DRH se doit bien sûr de disposer d’éléments informels sur le climat de l’entité dont il a la charge. Pour assurer ce rôle de veille, il peut s’appuyer sur des capteurs sociaux : dans chaque organisation, il existe des personnes dont l’état d’esprit, les préoccupations, les réactions sont représentatives de celles de l’ensemble du corps social. Au DRH de les identifier et d’entretenir régulièrement l’échange avec elles.

Au-delà de cette mesure informelle, des démarches plus organisées ont été développées qui permettent aux entreprises de disposer d’une photographie détaillée du niveau d’engagement de leurs collaborateurs. Elles sont de deux types : quantitatif ou qualitatif.

Les démarches d’ordre quantitatif prennent la forme d’enquêtes d’opinion réalisées auprès de l’ensemble des collaborateurs, ou à défaut d’une part significative d’entre eux. L’utilisation de cet outil s’est répandue ces dernières années.

Quant aux démarches d’ordre qualitatif, elles sont basées sur l’interview d’un échantillon représentatif des populations de l’entreprise, sur la base de questions ouvertes. Elles permettent d’obtenir une photographie détaillée des perceptions des collaborateurs.

Les deux approches peuvent être menées en parallèle ou alternativement. L’enquête d’opinion donnera une photographie complète mais peu profonde. La démarche qualitative fournira une photographie partielle mais détaillée.

Deuxième volet : une fois cet état des lieux de l’engagement réalisé, l’entreprise doit identifier les leviers de l’engagement qu’elle va travailler. Aucune entreprise n’est différenciante pour ses collaborateurs sur l’ensemble des leviers d’engagement. Elle ne peut tous les travailler. Elle doit choisir ceux sur lesquels elle investit et donc renoncer à d’autres. A travers ce choix, l’enjeu pour l’entreprise est de construire sa réponse à une question : de quelles pratiques RH génératrices d’engagement a-t-elle besoin pour mettre en œuvre sa stratégie dans les meilleures conditions ?

Dans cette priorisation des leviers d’engagement, certaines entreprises font une erreur : elles considèrent que ce sont les perceptions des collaborateurs qui déterminent les axes à travailler. Il faudrait ainsi travailler en priorité les domaines dans lesquels l’entreprise est en dessous du benchmark. Or les terrains sur lesquels l’entreprise investit dans le domaine RH ne doivent pas être choisis en premier lieu dans une « logique d’offre », mais découler de l’impact qu’ils auront sur le business. Certes l’entreprise doit veiller à ne pas être démotivante pour ses collaborateurs sur un ou plusieurs axes. Et si l’enquête d’opinion met en évidence une telle situation, avec un décrochage significatif par rapport au benchmark, elle se doit de rectifier la situation. Mais ses priorités doivent découler de sa stratégie.

Troisième volet : une fois que l’entreprise a défini les leviers d’engagement qu’elle doit travailler en priorité, elle peut construire les plans d’action permettant de combler les écarts entre l’état des lieux et la cible. Ces plans d’action seront d’autant plus efficaces qu’après avoir présenté sa cible, l’entreprise associera largement managers et collaborateurs à leur élaboration.

AUTEUR

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Après avoir été DRH pendant 15 ans, Gilles Verrier est aujourd’hui Directeur Général du cabinet de conseil en ressources humaines Identité RH.

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